L’immense écrivain Christiane Singer avait bien compris Héraclite. Voici ce qu’elle en disait dans son livre Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?(Albin Michel, 2001) :
« En optant voilà deux mille cinq cents ans pour la description de la réalité telle que nous la livre Parménide, nous avons appris à voir un monde cloué, vissé, fixe, apparemment invariable, docile à nos concepts, nos classifications, nos distinctions, nos divisions, comme en état d’arrestation. « Tout a conspiré à nous mettre en présence d’objets que nous pouvons tenir comme invariables » (Bergson, La Pensée et le Mouvant)
Héraclite, lui, dans sa vision de la fluence, du devenir incessant et toujours renouvelé du Réel, n’a trouvé ses héritiers que bien plus tard dans la physique quantique.
Héritiers malheureux puisqu’au lieu de révolutionner notre vision du monde comme l’avait été la leur par la bouleversante confirmation d’une réalité en permanent devenir se créant et s’inventant à chaque instant, ils n’ont pas pu parvenir à changer d’un iota nos habitudes mentales fossilisées.
« Il n’y a pas de matière, il n’y a qu’un tissu de relations » (Niels Bohr). Les seuls fruits qu’aient portés leur branche ont été l’électronique et … l’énergie atomique. Mais l’illuminante révélation que tout n’est que reliance et corrélation n’a pas traversé le rideau de fer de nos consciences. Nous n’avons adopté que les machines et détourné les yeux de la formidable vision d’un monde où l’esprit pré-existe au phénomène et le crée à tout instant. L’Occident une fois encore n’a pas supporté le vertige, le vent du large de ce réel en fusion, du flux jubilatoire de l’élan qui génère l’élan à tout instant. Il n’est que de voir le sort que réserve notre « culture » à ceux qui bougent et transhument sur cette terre : les jeunes, les nomades, les rebelles et les gitans ! »
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